"Hériter n'est guère spontané". Ceux qui ont déjà croisé un notaire en sont surement déjà persuadés... Mais, que diable, vous demanderez-vous, vient faire cette triviale et bien triste remarque sur un site de jeux, plutôt guilleret d'ordinaire !

En fait, depuis quelques temps, la notion d'héritage est devenu une notion "importante" dans le monde du jeu... Attention, on ne nous signale pas encore de dynasties ludiques, d'éditeurs ou d'auteurs (quoique les Brand), et nous ne voulons pas non plus parler des quelques jeux ayant choisi ce thème (Last Will,...). Non, nous voulons parler du fameux "Legacy" qui orne depuis quelques temps certaines boîtes.
Notez qu'on préfère laisser le terme, en anglais, histoire de garder son pimpant à la jolie boite, qui serait peut-être bien moins gaie et vendeuse avec un large "Héritage" barrant sa couverture, l'association d'idée n'étant pas forcément des plus enthousiasmantes... Le franglais serait-il donc le meilleur ami du comptable ? Au vu de nombreux titres de jeux actuels, un "oui" parait plausible.


Seafall Seafall - ♫ "J'ai reçu la bouée en héritage..." Chanson du mauvais perdant

L'idée du "Legacy" est basée, comme souvent, sur une idée finalement largement exploitée, notamment dans le jeu de rôle, celle de la campagne, soit une succession de sessions de jeu liées entre elles. Présenté comme cela, c'est bien moins révolutionnaire, mais vous le saviez déjà, votre rédacteur est un briseur de rêves. Avouez cependant que "campagne" aurait surement été plus pertinent qu' "héritage" !
Dans le jeu de rôle, le personnage va évoluer, mais rarement les règles. Dans le jeu "legacy", le jeu va finalement lui aussi évoluer; évolution, et c'est le stade ultime du concept, qui va se matérialiser par la modification (destruction diront les plus négatifs) du jeu lui-même. On se trouve donc bien au delà de modifications réversibles de règles qu'on aurait aussi pu avoir avec un "Rencontre cosmique". Une fois la partie entamée, il n'est pas possible de faire machine arrière et il ne sera même pas possible de recommencer.

Istanbul Istanbul - visiblement on n'est plus dans l'héritage de Mustafa Kemal Atatürk... Une allusion politique ?

Les enthousiastes vanteront l'expérience, bien entendu unique, avec des découvertes constantes et des stratégies forcément changeantes. Les plus sombres y verront eux le symbole ultime de la société de consommation consistant à façonner aux quatre coins du mondes des éléments ludiques (cartes, autocollants, plateaux) pas forcément recyclables qui après quelques heures de jeux, fussent-elles plaisantes, ne pourront même pas servir d'engrais à vos tomates.
C'est là, le premier paradoxe, celui d'un jeu qui s'orne du terme "héritage" et que vous ne pourrez même pas transmettre à vos enfants !

Les paradoxes vont maintenant s'accumuler! Car si cette dernière notion est plutôt négative, la même pratique force, à contrario, les "hardcore gamers" à jouer plusieurs fois au même jeu, pratique vertueuse, qui pour certains était devenue rare.
Un autre paradoxe ? Pour un jeu de "société", il est compliqué aussi de partager cette expérience ludique, au delà de la petite société, qui se trouve autour de la table.

Enfin, il y a un dernier paradoxe qui vaut à ce billet son titre... Les joueurs qui aiment cette " spontanéité " engendrée par la mécanique même du jeu, vont devoir... planifier avec attention leurs réunions (Et malheur à l'absent qui va bloquer l'ensemble des joueurs).
Le paradoxe est d'autant plus fort que les plus gros joueurs, qui s'étaient fait fort d'avoir à disposition plusieurs centaines de jeux et de pouvoir s'adapter à toutes les circonstances et à tous les profils de joueurs, se voient donc contraints à une toute nouvelle discipline.

20170601_outlive.jpg Outlive - a hérité de tous nos spécialistes des gros jeux...

Tout ceci (qualités et défauts) rend bien évidemment, ces objets ludiques infiniment intrigants et c'est surement ce qui fait une partie de leur succès.

Les jeux

  • Guildhall (Hope S. Hwang chez AEG)
  • Istanbul (Rüdiger Dorn chez Matagot)
  • Keyflower (R. Breese & S. Bleasdale chez R&D games)
  • Nefertiti (J. Bariot, T. Cauet, G. Montiage chez Matagot)
  • Outlive ( Grégory Oliver chez La Boîte de jeu)
  • Seafall (Rob Daviau, JR Honeycutt chez Ironwall games)
  • Star Realms (R. Dougherty , D. Kastle chez White Wizard Games)



Guildhall Guildhall - D'après Vincent un jeu qui a hérité de nombreuses qualités

Les joueurs

  • Alain, Jori, Magali, et Noémie en turcs
  • David, Nelly et Thomas en piètres explorateurs
  • Éric, Jean-Michel, Suzel et Vincent (Possom) en bateaux
  • Julien, Manu, Michaël, Olivier, et Sandra en fleurs
  • Bertrand II, Frédéric, Raphaël et Zaggus post apocalyptiques
  • J-B, Lucie-Anne et Vincent (Bibou) en Égypte


Nefertiti Néfertiti - Ah! L'héritage de l'Égypte