Les ludochons

Séance un peu spéciale puisque l'éditeur Fred Henry a.k.a. Monsieur Monolith (N'est-ce pas un peu présomptueusement phallique comme appellation ? ;-) ) est venu nous présenter leur dernier jeu à savoir Tower up (Euh, c'est moi ou...), un jeu consacré à la construction d'une ville et de ses gratte-ciels....
Mieux, grâce à lui, nous avons pu organiser un mini-tournoi sur ce jeu (24 joueurs tout de même)....

Tower up - "petit tournoi" avec 6 tables au départ...

On peut le dire les créateurs de jeu aiment bien les villes et l'urbanisme. Certes, il aiment aussi la campagne, qui permet obligeamment de faire pousser des ressources; ressources qu'on pourra transformer et, avec lesquelles on pourra commercer, le tout dans de jolis champs adaptés à des remembrements ludiques, mais malgré cela, l'urbanisme et la ville reste un sujet qui hante régulièrement les créateurs de jeux...

Si on voulait se simplifier la réflexion (Pour reprendre une discussion de ludochons sur Whatsapp, mon système 2 est pusillanime), on pourrait observer que c'est parce que les concepteurs peuvent profiter d'un certain nombre de facilités (Eux aussi le système 2 ?): une ville, elle aussi, se représente bien sur un plateau de jeu, les quartiers font de formidables zones, elles sont suffisamment diverses pour s'adapter à toute sorte de contraintes, et on peut leur associer toutes sortes de mécanismes (achat, vente, négociations, enchères, placements, majorité) et de flux (nourriture, énergie, moyens de transports et même égouts)...

Bref, l'urbanisme est un thème nettement plus pratique pour le concepteur de jeu que, par exemple, disons,.... la physique quantique...
"- Il est où ton meeple ?
- Sur et sous le plateau
- Et tu ne pourrais pas le faire "bifurquer" ?
- Non ! Surtout pas ! Je ne crois pas à la réduction du paquet d'ondes..."
Bref, l'urbanisme, c'est quand même bien pratique !

"Pratique".... mais cela reste un peu court comme analyse parce qu'au delà de cet aspect, la ville a toujours fasciné les hommes. En effet, quasiment de tout temps les hommes se sont interrogés sur cet objet bizarre et ont souvent voulu lui appliquer toutes sortes de lois, de contraintes ou de réflexions...
Ainsi, dans de nombreuses civilisations, on retrouve des travaux sur la façon optimale d'organiser ou de concevoir une ville.
Les romains feront la promotion d'une organisation implacable autour de deux axes perpendiculaires (cardo et decumanus) dans les camps puis les villes (alors que curieusement Rome...) . Nettement, plus à l'Est, on trouvera dans les mandalas des motifs religieux qui serviront aussi dans la conception des temples et des villes. La ville sud-américaine pré-colombienne, tiendra elle compte du religieux, mais aussi de l'absence de la roue pour le transport et de contraintes écologiques pour intercaler lieux de vie et de culture....
Une partie de nos villes médiévales s'organisent, elles, autour des cathédrales et autres églises quand l'ordre religieux préside, à l'ombre des murailles quand l'ordre militaire s'est imposé, ou autour d'autres points remarquables, fontaines, puits, fleuves, etc....

Tower up - sur le plateau cela ressemble plutôt à de l'immobilier en Floride !

A la Renaissance de nombreux artistes, se frotteront à l'architecture et même à l'urbanisme,. Citons le célébrissime tableau La cité idéale d'Urbino qui représente la ville telle qu'un homme de la Renaissance se la représente. Toujours en Italie, mais à Florence, la Piazza della Santissima Annunziata qui n'est certes pas la plus célèbre, fut dessinée par Brunelleschi (oui, l'homme du Dôme) suivant les canons du genre.

Puisqu'on parle de la Renaissance et pour vous montrer que cet intérêt pour la structure des villes se loge même a des endroits les plus improbables, votre serviteur ne résiste pas au plaisir de citer un de ses tableaux fétiches le Saint-Sébastien d'aigueperse où vous découvrirez que les villes présentes (sur la droite) ne sont pas du même type, et ce n'ets pas un hasard ! (PS : la notice wikipedia donne plein de clés pour ce tableau)...
Note : votre serviteur aime ce tableau parce que cela lui rappelle toujours l'humour noir de l'Eglise qui nomme saint patron des archers, un homme qui s'est transpercé de flèches (un trait... d'esprit sans doute) !

Pour ce qui est de l'urbanisme, les français aiment, eux, à citer les "bastides", Aigues Mortes, la saline royale d'Arc-et-Senans comme réflexion sur une structure logique de la ville, réflexions qu'on retrouvera aussi, avec d'autres contraintes et d'autres objectifs dans les cités ouvrières du XIXème siècle, comme le fameux familistère de Guise ou en Angleterre la ville de Bournville fondée par Cadburry (oui les chocolats). Si, en plus, à ce stade, on commence à se lancer sur le baron Haussmann, on n'en finira pas...

Nous ne vous embarquerons pas non plus dans le XXème siècle qui fut riche en essais architecturaux, tour-à-tour, assez remarquables, plus discutables voire franchement terrifiants (citons La cité idéale de Le Corbusier, les créations lyonnaises de Tony Garnier, les pires essais des pensées totalitaires, le Brasilia de Lucio Costa et d'Oscar Niemeyer,... )... En passant un podcast récent sur le sujet de la taille idéale d'une ville !

Bref, l'urbanisme passionne l'homme et si les politiques, les décideurs, les artistes, les architectes, les auteurs se passionnent pour le sujet pourquoi faudrait-il que les auteurs de jeu le néglige ?

Tower up - Jack in the box, Fred in the boxes...

Arrivé à ce stade de la lecture (Il reste quelqu'un ?), vous me direz que vous vous moquez ne cette analyse oiseuse et que vous voudriez _juste_ savoir si le jeu est bon... Une fois n'est pas coutume, parlons de jeu ! La réception a été plutôt bonne et cela même, chez des profils de joueurs assez différents. Les règles sont simples, le design est étudié, et le matériel adapté, bref on ne butte pas sur des points de règles et le tout est très fluide... L'interaction est assez importante. Les parties sont assez courtes, mais le jeu est tendu et permet cependant déjà pas mal de réflexion. On ne maîtrise pas tout mais c'est a contrario, un jeu de réflexion avec une belle dose d'opportunisme. Un jeu qui mérite, on l'espère, un beau succès.

Les jeux

• Tower up ( Frank Crittin, Grégoire Largey, Sébastien Pauchon chez Monolith) x12
• Daitoshi ( Dani Garcia chez Devir)
• Duck & Cover ( Oussama Khelifati chez Captain games) x2
• Gaia Project (H. Ostertag, J Drögemüller chez Z-Man games)
• Ritual (Tomás Tarragón chez T-Tower games) x2
• Sideboards ( Hartwig Jakubik chez Nürnberger-Spielkarten-Verlag)
• Spectacular ( Eilif Svensson, Åsmund Svensson chez Chilifox games)
• Autres ?

Les joueurs

• AlainCM, Cédrick, Céline, Cyril (Atom), Davy, Eric, Fred Henry, Frédéric, Jori, Laurent, Magali, Matthieu(Dondonge), Michaël, Raphaël, Sandrine, Sébastien, Séverine, Suzel, Yoann, et deux autres jouerus
• Antonio, Stéphane (Gnafron), Yoann
• Cécile, David, Elsa, Philippe, et Vincent (Bibou)
• Alexis, Mike et Nattan

Daitoshi - là aussi cela construit, mais il semblerait que cela soit velu comme un Yeren !